Franchir les Rocheuses
Retour à la case départ
24 février 2016
Un nouveau départ
6 mars 2016
Il y a deux semaines, je renonçai, pour la deuxième fois, au face à face avec la montagne. En septembre, en raison des tempêtes et de la fatigue accumulée; en février, c’était la semaine la plus froide de l’hiver et un manque d’expérience. Les Rocheuses ont du caractère et ne pardonnent aucune faiblesse, de mon côté, je ne renonce jamais, j’espère que nous trouverons un terrain d’entente. Rétrospectivement, je ne regrette pas d’avoir fait demi-tour car, de toute manière, je ne serais pas allé bien loin. En effet, j’avais déjà brisé un mousqueton du harnais qui me relie à la luge surchargée et les coutures, bien que solides, menaçaient de se déchirer. En outre, j’avais une engelure à un doigt et mes chaussures n’étaient qu’un monceau de glace pour avoir négligé d’envelopper mes pieds dans un sac plastique retenant la transpiration.
J’ai donc repensé entièrement ma manière de voyager sous l’éclairage de cette expérience, tout en utilisant « la règle de deux ». J’ai divisé par deux le poids de mon équipement, de mes vivres ainsi que la longueur escomptée des étapes quotidiennes, de cette manière, je fais une croix sur la traversée en autonomie et ai besoin de deux ravitaillements pour rallier Ross River dans un mois et demi environ. J’ai pu organiser le premier grâce à la compagnie aérienne locale, quand au second, il n’y a pour l’instant rien de prévu, chaque chose en son temps !
Lorsque j’ai opéré une stricte sélection du matériel réellement indispensable, je me rappelle que je jubilais à chaque élément mis de côté comme si c’était une partie négative de moi-même que j’éliminais. Le trop grand volume de matériel emporté n’était que le reflet de mes peurs, celles d’avoir froid, d’avoir faim, d’être fatigué ou perdu. Il y avait aussi la peur tapie de l’échec, la plus terrible, car la moins bien identifiée. Au lieu de me protéger, ces peurs ont entravé ma progression et mené à une impasse.
Ce nouveau départ est prévu pour le lundi 7 mars 2016 avec des journées plus longues et plus clémentes que la dernière fois. La région où je vais m’aventurer est réputée pour sa neige profonde, fait vérifié dans les parties boisées où je m’enfonçais jusqu’a la taille. La difficulté est là, avancer d’au moins dix kilomètres par jour dans cette neige qui sait aussi se montrer compacte dans les espaces ouverts.
Je ne saurai exprimer clairement l’enjeu que représente pour moi ce défi. C’est comme si toutes mes expériences et choix de vie m’avaient guidés jusqu’ici en aveugle et que, subitement, leurs sens m’étaient révélés.
Je n’ai aucune certitude sur mes chances de succès, alors je ne vois d’autres solutions que d’avoir foi en la vie et de m’en remettre entièrement à elle. Là est la vraie victoire. Et pour cela, nul besoin d’atteindre aucun sommet, il suffit de donner le meilleur de soi. C’est en ce sens seulement qu’il ne peut y avoir d’échec et c’est dans cet état d’esprit libéré que je retourne sur les chemins de l’aventure.
Dans les plaines d’Abraham
13 mars 2016
Je suis au mile 80, dans un décor composé de roches et de neige. Je me prépare à passer le point le plus haut de l’expédition à 1 700 mètres.
Les conditions sont excellentes et j’avance plus vite que mes prévisions.
Mile 131
20 mars 2016
Je suis au mile 131, après avoir traversé la rivière Twitya ! Les 50 derniers km ont été très éprouvants; aucun obstacle naturel ne m’a été épargné. Mais une grosse partie des difficultés est derrière moi !
La cabane du col du Caribou
1er avril 2016
Je suis au mile 192, à mi chemin de Ross River et à 50 Km de la route.
Depuis 5 jours je galère dans 1 m de neige en train de fondre.
J’avance à 500 mètres à l’heure, au prix d’efforts intenses. J’étais à bout lorsque j’ai pu me réfugier dans une cabane.
Je goûte ce repos avec volupté en attendant que les températures baissent.