Du 15 juillet au 3 août 2015 : Kinoosao à Black Lake
Kinoosao
15 juillet 2015
Kinoosao signifie poisson en Cri et toutes les activités de ce village, d’à peine 200 habitants, tournent autour de la pêche. Je l’ai rejoint en suivant une piste sableuse de 100 km, depuis Lynn Lake, après avoir pédalé 1h30 pour rien, suite à une erreur de direction à un croisement. Les routes sont peu nombreuses, je devais être sérieusement fatigué pour ne pas me rendre compte de mon erreur plus tôt…
Je me suis immédiatement rendu au Grand Slam Lodge, (grandslamlodge.com) tenu par le dynamique Floyd Olson, qui m’a accueilli, très chaleureusement, dans l’une de ses nombreuses cabanes en rondins qu’il a construites lui même. Je lui ai naturellement offert le vélo de Barry pour le remercier.
Grand Slam Lodge
Floyd m’a aidé a trouver les dernières cartes qu’il me manquait pour rejoindre la communauté de Wollastone Lake, située environ 10 jours de pagaie. J’aurai à traverser le lac du Caribou (11ème plus grand lac du Canada) puis à remonter deux rivières (Swan et Blondeau), comportant une dizaine de portage, avant d’atteindre le lac Wollaston, pour suivre ses berges jusqu’au village éponyme.
Dorénavant, je me trouve dans la province du Saskatchewan et le décalage horaire s’accentue encore, il est maintenant de 8 heures. Le programme des deux prochains mois sera exclusivement du kayak, jusqu’au fleuve Mackenzie qui borde les Rocheuses.
En ce jour du 14 juillet, je vous salue mes chers compatriotes et vous dis à très bientôt.
Floyd Olson
Dernièrement j’ai reçu par la poste (merci Claude !) un petit livre sur la méditation : Méditer au quotidien du vénérable Henepola Gunaratana; je le conseille à tout ceux qui s’ intéressent déjà ou désirent apprendre.
Voici un extrait :
“Regardez une bonne fois la réponse émotionnelle dont vous voulez vous débarrasser. Considérez-la vraiment à fond. Voyez comment vous vous sentez sous son emprise. Regardez l’influence qu’elle exerce dans votre vie, son effet sur votre joie de vivre, votre santé, vos relations de toutes sortes. Essayez de voir comment les autres vous regardent. Voyez encore comment vous étés empêché de progresser sur la voie de la Libération. …Faites naître en vous le même sentiment de dégoût que celui que vous auriez si vous étiez obligé de vous promener avec la carcasse, en décomposition, d’un animal mort, attachée autour du cou.Cette étape, à elle seule, peut en terminer avec le problème.”
Wollaston Lake
Du 22 juillet 2015
Au beau milieu du lac Caribou
Je me trouve déjà à Wollaston Lake après seulement six jours de navigation, au lieu des dix prévus. La traversée des lacs du Caribou et Wollaston ainsi que les portages se sont déroulés comme une lettre à la poste ! Après ça, toutefois, les choses se sont gâtées un tout petit peu… Au début de mon expédition, j’avais prévu de passer par Lac Brochet, où j’avais donc expédié deux colis de ravitaillement (nourriture, cartes, piles, etc.) que je devais récupérer au service de la poste restante, une fois rendu sur place. Or, à Lynn Lake, j’ai décidé de prendre un raccourci qui me ferait éviter Lac Brochet pour me mener plutôt à Wollaston Lake. Grâce à un intermédiaire (pour ne pas avoir à parler anglais au téléphone), j’ai pris des dispositions afin que mes colis soient transportés de Lac Brochet à Wollaston Lake. Cependant, pour une raison que j’ignore, mes colis n’ont jamais quitté Lac Brochet (ils y sont encore aujourd’hui !) et le prochain
Un petit coin de paradis
avion n’est prévu que pour la semaine prochaine. Qu’à cela ne tienne, je me suis procuré la nourriture nécessaire pour continuer et j’ai pu imprimer les cartes topographiques grâce à ma clef USB où elles sont toutes sauvegardées.
En altitude, le lac Wollaston est le plus haut lac de mon itinéraire. Ses eaux limpides et potables s’écoulent jusque dans l’océan Arctique. Dorénavant, je n’ai qu’à suivre le courant qui me guidera jusqu’aux Rocheuses, un rendez-vous avec les montagnes, attendu avec impatience, qui aura lieu début septembre si tout va bien.
En attendant ce trek, j’enchaîne des longues journées à pagayer tout en méditant. En observant toutes les pensées et émotions qui me traversent l’esprit, j’apprends beaucoup sur moi-même. La faim, la peur, la colère, l’ennui, la douleur, la fatigue, etc., tout ce que je peux ressentir en l’espace d’une journée est passé en revue et analysé dans le but de maîtriser mes émotions. L’extrait précédent, sur la méditation au quotidien, prend alors tout son sens. Petit à petit j’apprends, entre autres, à dissocier le besoin et l’envie de manger, ou encore à détendre, par la pensée, un muscle contracturé. Les applications de la méditation n’ont pas de limites dès lors que l’on prend la peine de la pratiquer. Le voyage intérieur, inhérent à toute période d’isolement, n’est pas qu’une métaphore !
Pour me détendre de tout ce travail qui requiert une grande concentration, je m’allonge sur le sable et je regarde les nuages défiler
Swan Lake, sans black swan
(ils ont parfois des formes rappelant les animaux de la forêt) ou je lis Le docteur Jivago de Boris Pasternak, un roman russe comme je les aime. Personnellement, je ne peux rêver plus belle vie.
Je souhaite que la longue rivière Fond-du-Lac, un émissaire du lac Wollaston, m’entraîne tranquillement de la sorte jusqu’à Black Lake, ma prochaine destination, où je prévois d’arriver dans 10 jours.
Un grand merci à la famille Hansen de Wollaston qui m’a accueilli comme un frère. Après seulement 24 heures passées parmi eux, alors que je ne pouvais plus compter sur mon ravitaillement, je suis pourtant déjà prêt à repartir. J’ai même pu faire plastifier mes cartes. Merci du fond du cœur !
La famille Hansen
Black Lake
3 août 2015
Le premier rapide
J’ai été retenu une journée de plus, chez la famille Hansen, car le vent soufflait, à en décorner les élans, sur le lac Wollaston qui mesure 45 km de long, et ne comporte que très peu d’îles, on se serait cru au bord de l’océan. Le lendemain, une simple brise de 20 km/h a été suffisante pour lever des vagues de 75 cm de haut. Sur un simple pneumatique cela secoue bien assez et gêne passablement la navigation. D’une manière générale, ces 10 derniers jours, le vent m’a mené la vie dure, je l’ai presque toujours eu de face et c’est souvent dans mon obstination innée que j’ai puisé la force de le contrer.
Quant à la rivière Fond-du-lac, j’aspirais à un long fleuve tranquille et j’ai été servi : bien souvent les rapides n’empruntaient à la célérité que leurs noms et je devais marcher pour les dépasser. Rassurez-vous, avant de changer de site, je ne vais pas passer ce récit à me plaindre mais je dois
Rivière Fond du lac
bien avouer que ce ne fut pas une sinécure que de rejoindre black Lake… Mais quel parcours !
La rivière Fond-du-lac est le plus beau cours d’eau qu’il m’a été donné de suivre, et les rapides, bien que peu profond avant les premiers affluents, n’ont jamais été dangereux. Comme une mère, elle berce avec bienveillance le kayakiste dans son lit, et ses méandres interminables sont sa manière à elle de vous enlacer. Les particularités de cette rivière, outre son nom français en territoire anglophone, résident dans ses nombreux bancs de sables où s’épanouissent des pins multi-séculaires, ses saillies de gneiss coiffées de sapins hirsutes et, bien sûr, ses chutes tonitruantes. Boire son eau (sans filtre, sans pastilles de chlore), s’y baigner sous un soleil ardent, sont des plaisirs éminemment simples qui confèrent à la vie une saveur transcendante sans égale. Les sous-bois des environs sont si propres que l’on peut s’y promener aisément et cueillir les premières myrtilles, les premiers bolets, même les moustiques n’osent perturber cette douce harmonie des formes et des couleurs. Bref cette rivière est un bijou, bien que les nombreux feux de forêt ont, par endroit, quelque peu éteint son charme…
Simple portage
Je continue mon aventure pieds nus lors des portages et je saute avec un plaisir indicible de rochers en rochers. En plein milieu du parcours, j’ai été agréablement surpris par la présence dune cabane en rondin. Seul maître des lieux, un gros ours noir, m’a fait comprendre en s’éloignant avec nonchalance, que ce n’était pas la première fois qu’il voyait un être humain et que je ne l’impressionnait pas plus que ça. Pour protéger l’accès aux fenêtres de la cabane, des planches en bois, herrissées de pointes, avaient été posées sur le sol. J’ai bien évidemment mis les deux pieds dans le plat et l’une d’elles m’a perforé profondément l’épiderme. La douleur m’a empêché de dormir une nuit entière, mais deux plus tard, tout était rentré dans l’ordre, j’ai eu beaucoup de chance !
Moralité : La méditation, le bouddhisme, le yoga, je veux bien, mais les planches de Fakir, Non ! Il y a une limite au tout Made in India…
Chutes Manitou
Pour finir, Black Lake doit son nom à la présence foisonnante de mouches noires, je n’en ai pas vu une seule, grâce ou plutôt, à cause du vent qui m’a obligé à tirer comme un enragé sur la pagaie. A la fin, je ne savais plus si c’était moi qui n’avait plus de force, ou bien si c’était le vent qui était vraiment fort. Je n’ai eu aucun doute lorsque, posant ma pagaie sur le kayak pour le tirer sur une plage, une bourrasque lui a donné des ailes.
Confort inespéré en fin de journée
Je me trouve maintenant dans la petite ville de Black Lake où j’ai eu la chance d’être accueilli chez la famille Throassié qui a accepté, volontiers, de me garder jusqu’à mardi prochain, car pour récupérer mon carton de ravitaillement, j’ai joué de malchance en arrivant un samedi, avec de surcroit, un lundi férié (j’ignore encore à quoi correspond ce jour chômé, mais je suis sûr qu’ Ỳvon va éclairé notre lanterne). Je dois donc patienter deux jours avant de prendre la direction, puis de suivre entièrement la rive nord du lac Athabsaca, qui mesure près de 300 km de long, et rejoindre la communauté de Fort Chipewyan dans une quinzaine de jours.
Mes chers lecteurs, en attendant de vous retrouver, je vous demande une faveur : Ne me souhaitez surtout pas bon vent !
Black Lake
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