Une issue heureuse
2 novembre 2015
Le 12 octobre, jour de Thanksgiving, j’ai fait la connaissance de Margret et Harold Harris, installés depuis plus de 30 ans à Norman Wells, chez qui j’étais invité pour souper. Je leur ai confié les problèmes auxquels j’étais confrontés depuis quelques semaines, en particulier le besoin urgent de trouver un nouveau toit. Apprenant que j’ai exercé le métier de bucheron, Harold le charpentier, a mis à ma disposition son atelier, situé à l’extérieur de la ville, disposant d’une bonne isolation et d’un poêle performant. Il faut en effet savoir se débrouiller seul avec une tronçonneuse pour alimenter un poêle tout l’hiver. Cette rencontre fut une bénédiction et, à partir de ce jour, sous les auspices de la famille Harris, mon quotidien à Norman Wells s’est transformé, il prenait enfin un sens.
ce qu’il faut pour bricoler et couper du bois de chauffage. Après quelques journées à trier, ranger puis nettoyer, ma tanière était prête pour l’hiver. Le jour où je pendais la crémaillère, j’ai même trouvé une vieille paire de basket (modèle sans amorti) qui m’a permis de courir dans la neige. Après plusieurs semaines de sédentarisation asphyxiante, la course à pied m’a donné l’impression de sortir la tête de l’eau. J’étais si joyeux que, sans la crainte de passer pour fou, j’aurais volontiers serré dans mes bras tous ceux que je rencontrais ! Dès les premiers jours de « captivité » en ville, j’avais repris l’entrainement dans une salle de sport, mais j’ai été exclus car je ne portais pas de chaussures… Je pourrais vous conter d’autres anecdotes du même acabit, mais à quoi bon vous ennuyer, chers lecteurs, avec ces tristes histoires de société que vous ne connaissez que trop puisqu’elles sont le lot de notre époque.
Harold me comble de prévenances et s’occupe de moi comme un père, il s’est chargé de me trouver un vélo pour mes déplacements et m’a présenté à de nombreuses personnes intéressantes qui m’aident à leur tour. Depuis lors, j’ai un travail quotidien : je récupère à la décharge tous les contenants qui se recyclent. Chaque canette ou bouteille rapporte 7 centimes d’euros. Centimes après centimes, en compagnie des corbeaux qui ne quittent jamais les lieux, je ramasse de quoi financer la fin de l’expédition. La rencontre avec Harold a également embelli mes projets pour l’année prochaine, car j’envisage désormais de repartir fin février début mars, avec des skis et un traineau pour traverser les Rocheuses. Toute mon énergie est maintenant focalisée sur cette étape hivernale exigeante où toutes les expériences et connaissances que j’ai accumulées ces dernières années vont me servir. Rien n’est plus grisant que de voir toutes les pièces d’un puzzle abscons s’assembler pour qu’un rêve prenne forme. Ainsi je dispose de 4 mois pour m’entrainer et trouver l’équipement nécessaire.
Mon quotidien
26 novembre 2015
La vie, pas plus que le Mackenzie, n’est un long fleuve tranquille. Ce mois de novembre fut décidément riche en émotions et les sueurs froides ne provenaient pas du climat.
n’avait été autant menacée. Pour apaiser cette situation critique, il m’a fallu renoncer à la décharge. Depuis ce renoncement, de façon inespérée, tout est rentré dans l’ordre, et j’ai pu conserver mon toit. Ouf ! Toujours est-il que, lorsqu’un policier est venu à ma rencontre en m’expliquant qu’il avait reçu un coup de fil à mon sujet, mon sang n’a fait qu’un tour ! Il était à la recherche d’un malotru qui avait utilisé, sans autorisation, les commodités d’un camp de travailleurs, sis à proximité de ma cabane. Merci d’avoir pensé à moi ! Parfois je me demande vraiment pour qui je passe dans cette ville…
En dehors de la forêt, au gré des opportunités, j’essaye de multiplier les occupations: entre autres, je propose mes services pour vider les poubelles (encore elles…) de l’épicerie, et en échange, je reçois les fruits et légumes abimés, ainsi que tous les produits dont la date de vente est expirée. Cela représente environ 200 euros de marchandises par semaine, que je partage gratuitement avec les personnes de mon entourage. La liste de mes « clients » s’allonge sans cesse, et le jour de la distribution est sans conteste celui ou je m’amuse le plus. Cette pléthore de végétaux me permet aussi de renouer avec le véganisme qu’il m’avait fallu abandonner pour des raisons bassement pécuniaires.